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[Éthiques & Mythes de la création] Les personnages de fiction nous aident-ils encore à vivre ?

Séminaire interdisciplinaire sous la responsabilité de Sylvie Dallet, en partenariat avec l'Institut Charles Cros.

le 19 décembre 2020

Le 19 décembre 2020, de 10h00 à 12h30
Visioconférence Zoom
Sylvie Dallet :  Introduction
L'écriture, "cette substance magique" comme l’écrit Le Clézio fait vivre, au delà du plaisir de la lecture du moment, des personnages qui restent dans nos mémoires et nous inspirent des choix et des renoncements. Une culture commune nous permettait, il y a quelque vingt ans, de s’incarner dans les héros et les héroïnes des oeuvres du passé. La dissociation des générations  fait surgir des personnages  ou des situations plus éphèmères, dont le rôle intime  s’inscrit tout autant dans nos choix de vies. Citons Damasio : « Les furtifs nous ont appris une chose: il n'y a pas de lendemains qui chantent. Il n'y a que des aujourd'hui qui bruissent.» .  Si l’émergence des personnages singuliers induit des dialogues personnels avec leurs lecteurs, est ce l’amorce d’une lecture prospective qui annonce des comportements nouveaux ?

Lorenzo SOCCAVO :   Les personnages de fictions comme médiateurs
Travaillant sur le sentiment de "traversée du miroir" chez les lectrices et les lecteurs de fictions littéraires et forgeant pour cela le concept de "Fictionaute", la part subjective de soi qu'une lectrice ou qu'un lecteur projette spontanément dans ses lectures, cette séance du séminaire Éthiques et Mythes de la Création sera pour moi l’occasion de proposer une catégorisation de nos rapports aux personnages de fictions. Nous serons ainsi amenés à les considérer comme de possibles médiateurs entre monde sensoriel et mondes imaginaires. La comparaison entre personnes physiques et personnages fictionnels guidera notre essai de typologie aux confins de la fiction pour distinguer les apports respectifs dans la prise de conscience (et l’éventuelle autonomisation) de notre fictionaute, tant des personnes fictives, que des nouvelles formes de créatures numériques, jusqu’à l’émergence d’intelligences fictionnelles que j’avais abordée le 1er mai 2020 dans le cadre du séminaire Scénographies et Technologies S&T#3 du psychanalyste Franck Ancel.

Jean-Claude HEUDIN : La musique créatrice de mondes imaginaires
Les mondes imaginaires, en particulier de science-fiction, sont des lieux qui résultent d'une boucle étrange. Ils représentent des univers créés par leurs auteurs autant que par leurs personnages. C'est en effet au travers de leurs yeux et de leurs émotions que, dans un premier temps l'auteur, puis ensuite les lecteurs ou les spectateurs, « découvrent » ce monde. Dans les films, les séries, les jeux vidéos, la musique joue un rôle essentiel. Elle fait partie intégrante de la narration, du monde et de ses personnages, en participant à l'immersion sensorielle et émotionnelle.

Jean-Claude Heudin est scientifique, écrivain et compositeur. Il est titulaire de l'Habilitation à Diriger des Recherches de l'Université Paris-Sud. Il est l'auteur de nombreux articles scientifiques au niveau international, ainsi que plusieurs ouvrages dans les domaines de l'Intelligence Artificielle (IA) et des sciences de la complexité aux éditions Odile Jacob, puis Science eBook dont il est le fondateur. Sa recherche actuelle se focalise sur l'IA émotionnelle et la musique électronique.

Céline MOUNIER : Les furtifs de Damasio
L’été 2019, j’ai lu Les furtifs d’Alain Damasio, un roman de science-fiction. J’ai été captivée par le personnage de Lorca, qui étudie les furtifs en anthropologue, protégé par un chef visionnaire et bienveillant à la fois. Pendant tout le roman, Lorca ouvre des voies de recherche, progresse lentement parfois, par accélérations à d’autres moments. Son regard reste critique sur la société des années 2040 avec ses « technococons » et autres « intechtes » qui façonnent un certain rapport à la consommation, aux loisirs et à l’autorité. Dans la société d’alors, chacun est replié sur soi et l’ordre économique gouverne l’ordre politique.  En observateur engagé, Lorca est bientôt emporté par une énergie digne de la musique du Sacre du Printemps de Stravinsky. D’ailleurs, dans le roman, la place de la musique et des sons est essentielle, tout autant que la furtivité, l’animalité, la joie des corps qui se meuvent en liberté.
 
 Céline MOUNIER : Sociologue en entreprise, j’ai toujours considéré qu’il faut aimer les univers que l’on étudie. Mon maître en sociologie, Renaud Sainsaulieu, me disait un jour que les sociologues sont des gens en colère, en recherche d’une société meilleure, critiques de ce qu’elle ne fait pas assez pour libérer des énergies créatrices. Et aujourd’hui, je me sens bien dans des espaces où on danse, où on chante libres dans la ville, plantée des forêts urbaines, où la vivacité se déploie avec douceur et en couleurs. Le personnage de Lorca représente alors un idéal, je deviens envieuse de sa capacité à devenir furtif et c’est là que la fiction est forte. Depuis cette lecture, je photographie la ville différemment, je me sens prête à passer d’une vie cérébrale qui a longtemps été la mienne à un engagement sur un projet de permaculture, j’ai osé créer un spectacle au Festival des Arts foreZtiers !