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Portrait - Université Paris-Saclay : François Robinet, "Éclairer les liens entre discours médiatiques, institutions républicaines et crises politiques en Afrique"

le 18 février 2022

18/02/2022
UVSQ

François Robinet est maître de conférences en histoire contemporaine et chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC – Univ. Paris-Saclay, UVSQ). Son parcours est dédié à l’étude du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 et aux débats publics qui concernent les relations franco-africaines sous la Cinquième République.

En 1994, François Robinet entame un cursus en histoire à l’Université François Rabelais de Tours. Il s’intéresse plus particulièrement à l’histoire contemporaine et à l’histoire culturelle, et réalise un mémoire sur la manière dont les discours médiatiques véhiculent des messages extrémistes lorsqu’il s’agit d’évoquer le travail des parlementaires français. « Dès cette période, je me suis découvert un vif intérêt pour les situations de crise politique, pour l’étude des liens entre médias et opinion publique, et pour la compréhension du rôle de certains discours médiatiques dans la fragilisation de nos institutions républicaines en période de crise. » Il passe le CAPES en 1998, l’agrégation d’histoire l’année suivante et enseigne ensuite dans le secondaire au Lycée Voltaire à Orléans. Cette expérience lui donne l’occasion de questionner certaines lacunes des programmes scolaires qui délaissent des pans entiers de l’histoire de nombreux continents et certaines dimensions africaines de l’histoire de France. « En tant qu’historien, mais aussi que citoyen, j’avais envie de contribuer à corriger ces déséquilibres et d’éclairer des dimensions peu étudiées, d’où mon engagement dans la recherche en histoire sur la relation de la France à l’Afrique. »

Une thèse centrée sur le génocide des Tutsi et sur les relations franco-africaines

En 2007, François Robinet décide de reprendre ses recherches sur son sujet de prédilection, mais cette fois-ci dans des contextes de crise qui touchent le continent africain. Il s’engage dans la réalisation d’une thèse consacrée à la couverture médiatique des conflits africains contemporains. Le sujet est sensible, car à cette époque, l’image de l’Afrique diffusée en France suscite de nombreuses polémiques tandis que les interventions françaises sur le continent, au Rwanda, en Centrafrique, en Côte d’Ivoire, restent sujettes à critiques. « Intéressé par les enjeux politiques, démocratiques et scientifiques que ces débats généraient, j’ai souhaité mieux comprendre comment ce continent et ses populations étaient perçus, représentés et parfois caricaturés dans les médias français des années 1990 et 2000. » Il s’intéresse plus spécifiquement aux conflits des années 1990-2000 et notamment au génocide des Tutsi du Rwanda. Le pouvoir extrémiste en place en 1994, qui bénéficie du soutien de la France, est responsable de l’extermination de près d’un million de personnes du fait de leur supposée appartenance ethnique. « Sur ces sujets extrêmement sensibles, il reste crucial d’enquêter avec rigueur, car les résultats de ces enquêtes interrogent le fonctionnement de nos institutions, de notre démocratie et finalement notre rapport au monde, hier comme aujourd’hui. »
 
François Robinet a aussi à cœur de transmettre à ses étudiants et étudiantes et à un large public le fruit de ses recherches, et organise un festival d’histoire et d’analyse des médias : 'Les Médiatiques'. Au cours des huit éditions qui se déroulent à Orléans jusqu’en 2019, chercheurs et chercheuses, experts et journalistes s’y retrouvent et échangent autour de conférences et de tables rondes sur des sujets comme les rapports des journalistes aux politiques ou encore la couverture de l’actualité internationale.

Un historien français se penche sur le Rwanda

Le chercheur soutient sa thèse en 2012 et en 2013 il est recruté en tant que maître de conférences au Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). « Très vite, je suis revenu sur le dossier rwandais, car je sentais que je n’étais pas encore allé au bout du sujet. La parole politique était alors encore trop souvent dans le déni quant aux responsabilités françaises et aucun historien français ne travaillait sur le sujet. » François Robinet souhaite comprendre le rôle joué par les différents acteurs impliqués au Rwanda, avant et pendant le génocide. Dans cette optique, il mène une enquête sur la manière dont l'opinion publique a été à plusieurs reprises déterminante dans les choix stratégiques des responsables politiques français de l’époque.

Des modalités inédites d’investigation

Pour ces travaux, François Robinet s’attache à imaginer de nouvelles voies d’exploration des sources. Car durant les années 2010, en France, les institutions redoublent de prudence et rendent l’accès aux archives publiques sur le Rwanda difficile. Il traque alors pendant plusieurs années l’ensemble des sources disponibles et multiplie les séjours au Rwanda pour collecter sur le terrain des archives et des témoignages, soit plus de 6 000 documents. Ce qui fait de François Robinet l’un des rares chercheurs à disposer d’autant d’informations sur le sujet, et l’un des seuls à aborder de front la question de la responsabilité française.

Colloques et publications

Le chercheur ne perd pas non plus de vue son appétence à transmettre et à partager ses travaux d’enquête. Par exemple, en 2014, il organise 'Rwanda 1994 – 2014. Récits, constructions mémorielles et écriture de l’histoire', un colloque international de trois jours qui se tient à l’UVSQ, à l’ENS Paris et à l’Université Denis Diderot. « Ce fut un moment important pour l’historiographie mais aussi dans mon parcours, car j’ai rencontré de multiples acteurs, rwandais et étrangers, auxquels je n’avais pas forcément eu accès jusque-là et auprès desquels j’ai beaucoup appris. » Les actes de l’évènement sortent aux éditions Les Presses du Réel en 2017. Le chercheur publie en outre au même moment un ouvrage tiré de sa thèse, Silences et récits. Les médias français à l’épreuve des conflits africains (1994-2015).

Une méthodologie rigoureuse et éthique

François Robinet s’intéresse aussi aux conditions de production des connaissances scientifiques, particulièrement aux modalités d’enquêtes utilisées par les chercheurs mobilisés sur des terrains sensibles. Il est à l’origine de la constitution du réseau RwandaMap qui réfléchit à ces questions et travaille à la production d’une plateforme numérique destinée à voir le jour au premier semestre 2022. Le réseau est centré sur un collectif de chercheurs et de chercheuses français, belges, britanniques, sud-africains et rwandais, spécialistes des traces archivistiques, mémorielles et patrimoniales du génocide des Tutsi et qui œuvrent à la création de la première cartographie internationale sur les lieux de documentation et d’archives liés au génocide.

 La direction de la Graduate School Humanités - Sciences du patrimoine

Ce qui occupe une partie des journées de François Robinet depuis 2021 est la direction de la Graduate School Humanités - Sciences du patrimoine de l’Université Paris-Saclay. Il y met à profit son expérience de co-directeur de la School Humanités de 2016 à 2020. « Pour cette nouvelle structure, nous souhaitons faire mieux connaître les singularités de nos disciplines, les vertus de l’enquête en sciences humaines et sociales, développer de nouvelles formes d’interdisciplinarité et densifier les liens entre recherche et formation. » Répartis au sein de douze laboratoires, cent trente chercheurs et chercheuses, et une centaine de doctorantes et doctorants en histoire, sciences du patrimoine, archéologie, musicologie, design, langues et lettres travaillent en étroite collaboration avec des collègues issus des sciences expérimentales. Il s’agit pour François Robinet et son équipe de renforcer la structuration de ces différentes communautés, de les inscrire dans des dynamiques partagées, et de renforcer la visibilité de leurs travaux, notamment en sciences du patrimoine et sur les questions de médiation scientifique, deux objets d’étude importants pour les Humanités.
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