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Les États-Unis au XXIème siècle : Perspectives historiographiques sur un quart de siècle

Appel à communications : colloque international organisé par Tamara Boussac (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Mondes américains), Hugo Bouvard (Université Paris Cité, LARCA), Esther Cyna (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, CHCSC) et Anne Légier (Université Paris Cité, ICT).

du 20 novembre 2025 au 21 novembre 2025

Les 20 et 21 novembre 2025
Université Paris-Cité, Paris
Surnommé le « siècle américain » par Henry Luce en 1941, le XXe siècle, et le mythe qui l’a accompagné, a constitué un élément central du récit national étasunien, ainsi que de la manière dont les États-Unis ont été perçus dans le reste du monde. À rebours, le premier quart du XXIe siècle déjà écoulé semble marqué par les nombreuses crises qui ont secoué le pays : les attentats du 11 septembre 2001, la crise financière et la « Grande Récession » de la fin des années 2000, la gestion de la pandémie de COVID-19 depuis 2020, les fractures institutionnelles et politiques incarnées de façon spectaculaire par l’assaut mené contre le siège du Congrès, en janvier 2021, par des insurgé·es remettant en cause le résultat de l’élection présidentielle de 2020. Si certaines de ces « crises » semblent se répéter, voire devenir permanentes, comment alors les désigner ? Quel regard critique et quel vocabulaire adopter pour mieux comprendre la période ? À quelques mois du 250e anniversaire de la Déclaration d’indépendance, ce colloque international invite des réflexions portant sur le premier quart du XXIe siècle étasunien : comment le définir, le caractériser, l’analyser ?
Bien plus qu’un bilan des vingt-cinq dernières années, ce colloque a pour objectif de proposer des pistes de périodisation en dégageant des grandes tendances, moments de rupture, changements de paradigme, ou en interrogeant au contraire les continuités avec le(s) siècle(s) précédent(s). Cette tentative d’écriture de l’histoire du temps présent s’appuiera sur les épistémologies et les méthodologies des sciences humaines et sociales.
Penser le XXIe siècle étasunien amènera les chercheuses et chercheurs à interroger le concept de « progrès », notion structurante dans l’histoire des États-Unis mais mise à mal par toute une série de reculs, et à le confronter aux récits de déclin – économique, climatique, démographique, etc. – qui sous-tendent des courants de pensées aussi variés que l’afro-pessimisme, la collapsologie ou les idéologies conservatrices. Les communications pourront analyser les visions – cycliques, linéaires, etc – du temps présent qui sous-tendent les discours politiques, les représentations médiatiques et culturelles mais aussi la recherche scientifique, qui décrit souvent comme « croissante » la polarisation politique de la société étasunienne et l’inégale répartition des richesses dans le pays. De même, les communications pourront s’intéresser à la pertinence du concept de « retour de bâton
[backlash]», parfois objet de critiques par la conception de l’histoire et les liens de causalité qu’il sous-entend.

Qu’est-ce qui augure ou clôt une période historique ? Nous invitons les communications à revenir sur les événements marquants des vingt-cinq dernières années, dans la mesure où ils
pourraient constituer des bornes chronologiques saillantes pour penser la période. Outre les événements déjà évoqués, comme les attentats du 11 septembre 2001, souvent cités comme l’entrée violente du pays dans le XXIe siècle par la chute d’un symbole du capitalisme, on peut penser aux changements amenés par le développement d’internet et la création des premiers réseaux sociaux, aux conséquences de l’ouragan Katrina en 2005, ou encore aux tueries de masse comme celle de Sandy Hook en 2012. Les communications pourront ainsi interroger la notion de « tournant » et l’existence d’un « avant » et d’un « après » à chacun de ces bouleversements.
Comment, au sein du XXIe siècle, des « périodes » sont-elles définies par le langage — vernaculaire et savant — et avec quelles conséquences ? Il s’agira de penser les possibilités et les limites de la circonscription dans le temps d’une période en s’interrogeant sur les risques d’homogénéisation, de généralisation et de simplification des grandes tendances, tout en soulignant les marqueurs saillants de rupture. Les communications pourront ainsi penser les notions de « révolutions » (par exemple numériques, politiques ou de mobilisations sociales), de « crises » ou encore de « catastrophes » (climatiques, diplomatiques ou de santé publique), afin d’esquisser des pistes d’analyse historiographique de la période.
Les échanges permettront ainsi une réflexion épistémologique sur les moyens de définir et désigner des (sous-)périodes, notamment à travers le séquençage en décennies. Des chrononymes comme Roaring Twenties ou postwar period pour le XXe siècle ont-ils été déjà inventés pour le XXIe ?
Les surnoms imaginés pour les années 2000 (« the aughts », « the noughties ») sont peu employés, là où « Y2K » est bien plus établi dans le langage courant pour désigner la nouvelle année 2000 et les angoisses de dysfonctionnement technologique qui y ont été liées. Les préfixes temporels sont souvent usités pour désigner les conséquences des attentats du 11 septembre 2001, ou de la pandémie de COVID-19 : les communications pourraient ainsi porter sur les caractérisations des périodes « pré-9/11 » ou « post-COVID ». Les discours médiatiques mais aussi scientifiques font parfois référence à « l’ère de la post-vérité » pour désigner la saillance des théories du complot dans la société étatsunienne et la crise des médias « traditionnels » : ce colloque sera l’occasion d’une réflexion collective sur cette qualification. De même, les chercheurs et chercheuses pourront examiner les symboles marquants de ce premier quart de siècle : pourquoi et comment des images, mots, slogans et gestes deviennent-ils emblématiques d’une période ou d’une tendance historique, représentées et signifiées par le symbole à l’instar du genou à terre de Colin Kaepernick ou des casquettes rouges siglées « Make America Great Again » ?
La question de la labellisation des « générations » pourra également faire l’objet de réflexions.
Les différentes tranches d’âge sont ainsi souvent désignées, dans les médias, sur les réseaux sociaux, et parfois dans le discours universitaire, par les catégories de « Millenials », de « Generation Y » ou« Generation Z ». Quelle est la pertinence sociologique de ces découpages ? D’autres façons de réfléchir à cette problématique seront les bienvenues.
Nous invitons tout particulièrement les collègues historien·es à contextualiser des développements très contemporains. Par exemple, comment le mouvement « Black Lives Matter »
s’inscrit-il dans le sillage de mouvements de libération noire des siècles précédents ? Par ailleurs, en dehors de la recherche en histoire, comment les acteurs et actrices des mouvements sociaux du XXIème siècle génèrent-iels des discours historiographiques afin de nourrir leurs luttes politiques ? Inspirées par les débats sur la périodisation du mouvement pour les droits civiques, les communications seront l’occasion d’interroger la délimitation chronologique des mobilisations majeures des vingt-cinq dernières années. Ainsi, les mouvements « #MeToo », « Black Lives Matter », « Occupy Wall Street », les luttes écologiques, les grèves massives comme celle du secteur automobile en 2023, la création de « March 4 Our Lives » après la tuerie de Parkland en 2018, le rassemblement « Unite the Right » à Charlottesville en 2017, les mobilisations s’opposant à la création d’un oléoduc à Standing Rock en 2016, pourront être abordés comme des moments de rupture et/ou de continuités en examinant les traditions dans lesquelles ces mouvements puisent, et
les spécificités qui les caractérisent. Ces réflexions pourront, en outre, porter sur les enjeux épistémologiques et méthodologiques d’une écriture de l’histoire « à chaud ».
Les communications pourront également interroger la pertinence des comparaisons entre temps présent et périodes antérieures. Ainsi, l’historienne Ariela Gross désigne par exemple la
période post-2016 comme une « seconde Rédemption », faisant écho à l’historien Joseph Peniel qui parlait de « troisième Reconstruction » pour faire référence à la présidence Obama et au mouvement « Black Lives Matter ». Cette comparaison avait en outre déjà été établie pour désigner les avancées du mouvement pour les droits civiques comme « seconde Reconstruction ». Certains auteurs parlent aussi de nouveau « Gilded Age » pour décrire l’ampleur des inégalités sociales que la société étasunienne connaît aujourd’hui. Ce type de parallèles entre périodes historiques est loin d’être propre à la recherche scientifique : lors de la campagne de 2016, des pancartes arborant la date de 1933 parsemaient les manifestations anti-Trump. Les récentes mobilisations étudiantes en soutien au peuple palestinien ont fait l’objet de comparaisons avec le mouvement contre la guerre du
Vietnam dans les années 1960 et 1970. À l’inverse, le recours très fréquent, par les pouvoirs publics ou les journalistes, à l’expression « sans précédent » pour désigner la pandémie de COVID-19 semble symptomatique du régime du présentisme théorisé par François Hartog. Selon l’historien, les sociétés actuelles démontreraient une obsession pour le présent, où chaque évènement est pensé comme étant « historique ». Dans quelle mesure le caractère spectaculaire des campagnes électorales, et la dimension sensationnaliste de leur traitement médiatique, contribue-t-il à ces impressions ?
Les spécialistes de politique pourront également interroger la pertinence d’un découpage par mandat présidentiel, et proposer d’autres chronologies autour des présidences Bush, Obama, Trump et Biden. Quel type d’histoire et de récit découlent de l’adhérence à ces bornes chronologiques, quels éclairages apportent-elles et quelles en sont les limites ? L’influence du Tea Party et la transformation du Parti Républicain, par exemple, sont-ils des phénomènes à étudier à la lumière d’autres chronologies ?
Dans le domaine de l’économie, les transformations liées aux secteurs technologiques et numériques, comme l’« uberisation » du marché du travail, pourront être inscrites dans une réflexion sur des périodisations souvent contestées comme « late-stage capitalism » et plus largement de « néolibéralisme », terme discuté par des historien·nes comme N. D. B. Connolly et Kim Phillips-Fein.
Les communications pourront porter sur différents niveaux d’analyse. Des études à l’échelle d’un État fédéré, par exemple, pourront nuancer ou éclairer des tendances nationales. L’échelle locale, en plus d’incarner des phénomènes plus larges ou de contextualiser des événements marquants, permet une lecture fine de réalités empiriques allant parfois à l’encontre de récits généralisants ou homogénéisants.

Envoi des propositions et calendrier
Les communications peuvent être en français ou en anglais. Les propositions de
communication de 500 mots maximum, accompagnées d’une courte notice biographique, seront
adressées à conference21US@gmail.com avant le 1er mars 2025.
La réponse du Comité scientifique sera envoyée le 15 avril.
 
Informations complémentaires
Comité d’organisation :
Tamara Boussac, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Mondes américains
Hugo Bouvard, Université Paris Cité, LARCA
Esther Cyna, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, CHCSC
Anne Légier, Université Paris Cité, ICT

Comité scientifique :
Nicolas Barreyre, EHESS
Audrey Célestine, New York University
Laurence Cossu-Beaumont, Sorbonne Nouvelle
David Diallo, Université Bordeaux Montaigne
Pauline Peretz, Université Paris 8
Natalia Petrzela, New School
Michael Stambolis-Ruhstorfer, Université de Toulouse Jean-Jaurès