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Environnement et changements globaux à l’échelle planétaire, du XVII° siècle à nos jours

Appel à communications : Journée d'études annuelle des doctorants CHCSC / DYPAC

le 17 mai 2023

Le 17 mai 2023
UVSQ, 47 Boulevard Vauban, 78280 Guyancourt
L’environnement se définit étymologiquement comme ce qui entoure, les alentours de l’activité d’une espèce et le mot est utilisé depuis le XIII° siècle. Selon le naturalisme occidental, construit dès le XV° siècle, le milieu environnant reçoit comme contenu toutes les composantes de ladite « nature » : un ensemble de non-humains, qu’ils soient minéraux, végétaux, animaux, liquides, vivants ou inertes, etc. Mais cette définition de l’environnement adossée à la séparation des mondes humain et non-humain n’empêche pas les assemblages constants entre deux univers conceptuels.

Lors de cette journée d’étude, nous voulons contribuer à la description des dispositifs par lesquels les ressources matérielles ont été mobilisées par les collectifs humains du XVII° à nos jours. Malgré la supposée autonomie du social vis-à-vis du monde non-humain, les villes, en particulier, sont le théâtre d’intenses mises en réseaux des sociétés humaines avec « ce qui les entoure », dans des combinaisons subreptices souvent invisibilisées. Ce processus d’association, sans lequel les formes politiques revendiquant l’autonomie des humains n’existeraient pas, sont relatives aux époques, aux lieux, et contiennent une multitude de particularités que nous voudrions analyser pendant cette journée.

Aujourd’hui, la modernité entre en crise : la pérennité des associations déployées depuis plusieurs siècles est remise en cause justement par la persistance des représentations qui en masquent l’un des termes, les non-humains. Après l’enquête sur la construction de la dépendance entre humains et non-humains, nous voudrions donc explorer ses fragilités et reconfigurations récentes. Le système-Terre s’adapte à l’âge de l’Anthropocène ce qui engendre les mutations des écosystèmes : migrations animales et végétales, mutations abiotiques, qui sont l’objet de nouveaux discours sur les associations entre sociétés humaines et « partenaires » non-humains. De fait, on assiste dans les dernières décennies à la critique du modèle moderne de développement, remettant en cause plus ou moins profondément ses termes. Nous serions ainsi intéressé.es par des contributions qui renseignent sur les remodelages des écosystèmes et organisations humaines, aujourd’hui et dans le passé.

Enfin, nous aimerions concentrer une partie de notre journée d’étude sur les effets que les changements environnementaux provoquent sur la conservation du patrimoine. Les changements globaux que nous nous proposons d’exposer posent des défis d’organisation politique au sens large mais provoquent aussi des circulations de plus en plus intenses. Lors de ces déplacements, les changements de milieu sont l’observatoire de nouvelles formes culturelles, tout comme d’innovations dans les pratiques de conservation du patrimoine. Sachant que le patrimoine, qu’il soit dit « naturel » ou non, est largement affecté par les changements conjoints de l’environnement et des sociétés, il s’agit de renseigner ces évolutions. Parmi celles-ci, il nous semble que les activités de conservation constituent un terrain d’analyse particulièrement pertinent.
Les communications auxquelles nous voudrions donner place lors de cette journée d’étude pourraient ainsi retracer une histoire des dispositifs urbains et leurs assises matérielles, pour décrire de façon plus générale la relation entre les collectifs humains et les associations concrètes desquels ils dépendent. De façon parallèle, il s’agira de donner voix aux formulations concurrentes de ces partenariats dans l’histoire et jusqu’à aujourd’hui, discours qui portent à la fois sur les liens des humains avec leur « environnement » et sur les façons dont les collectifs politiques se définissent eux-mêmes. La question des formes culturelles et de leur conservation fera l’objet d’une attention particulière en ce qu’elle a trait aux phénomènes de circulation, transmission et conservation pour dessiner le caractère global des changements contemporains.

1. Mobilisations humaines et non-humaines à l’heure des changements globaux

Crise climatique, effondrement de la biodiversité, hausse anormale des températures sont autant d’expressions omniprésentes au quotidien pour décrire une situation considérée comme inédite. À l’heure des changements globaux, les sociétés contemporaines semblent faire montre d’une réflexivité environnementale croissante. Par réflexivité environnementale est désignée la pensée dynamique que les êtres humains portent à leur environnement. L’utilisation du concept d’Anthropocène pour qualifier notre période témoigne de ce retour réflexif. Paul Crutzen, à l’origine du concept, l’a popularisé dans les années 2000 en défendant l’idée que les hommes constitueraient une force de changement sur Terre surpassant les forces géophysiques à l’oeuvre. Mais cette forme de réflexivité environnementale est bien antérieure à la période contemporaine. C’est ce que montrent Christophe Bonneuil et Jean Baptiste Fressoz dans L’événement anthropocène, en se référant aux écrits de Georges-Louis Leclerc de Buffon, qui en 1780 dans Les Époques de la nature, expliquait déjà que « la face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme » et qu’elle serait même en mesure de maîtriser cette empreinte au point de « modifier les influences du climat qu’elle habite et en fixer pour ainsi dire la température au point qui lui convient ».

Quelles adaptations des sociétés humaines et des communautés animales, végétales et abiotiques face aux changements planétaires globaux ? Cette question se pose donc à la fois pour la période contemporaine mais aussi pour les périodes antérieures en interrogeant deux objets en regard. D’une part, celui des mutations des écosystèmes au sens large impactés par ces bouleversements. D’autre part, celui des mobilisations humaines dans l’adaptation et/ou la lutte contre le changement climatique.

Concernant le premier objet, une attention particulière sera donnée à la problématique des migrations animales et végétales gagnant à la fois en altitude et en latitude face à l’augmentation des températures. Mais aussi à celles des mutations abiotiques (perturbation du cycle de l’eau, des concentrations en gaz dans l’air, acidification des océans etc …), le tout concourant à une redéfinition des territoires habités et vécus. De fait, ces événements remodèlent les cartes à la fois géographiques, temporelles et mentales en faisant se rapprocher ou s’éloigner des êtres (humains, non-humains, végétaux) et des ressources donnant forme à des espaces inédits.

Le second objet, en regard du premier, sera à relier à la problématique des mobilisations humaines face aux changements globaux, et ce, sur plusieurs aspects définissant ou réempruntant des manières d’être ou d’agir. Les luttes militantes s’opposant à des projets extractivistes ou s’activant pour la justice climatique mais aussi des mobilisations plus discrètes mais portant des projets de territoires visant à complémenter des outils étatiques traditionnels de protection de la nature seront étudiées. Par ailleurs, d’autres outils mobilisés par les sociétés humaines, qu’ils soient de l’ordre de la géo ingénierie ou de l’économique (économie verte et bleue) entrent également dans le périmètre de l’étude. Comment s’inscrivent ces mobilisations au sein des territoires dans lesquels elles se déploient ? Qui sont les acteurs qui les portent ? Dans quelles mesures sont-elles vectrices de changements environnementaux, politiques et sociaux ?

2. La forme urbaine, espace privilégié des assemblages matériels

La construction des villes est un facteur de transformation massive des environnements. Qu’il s’agisse d’aller prélever les ressources nécessaires à l’édification des nouveaux espaces urbains bien au-delà des limites municipales, ou de la mise en forme des environnements à l’intérieur de la ville, les systèmes urbains se déploient dans et par des écosystèmes qu’ils reconfigurent profondément. En effet, les villes naissent et grandissent grâce au prélèvement de végétaux, minéraux, animaux et autres non-humains, dont la présence explique souvent la localisation des formes urbaines. De façon accélérée, à partir des XIXe et XXe siècles, cette exploitation s’exerce à travers la marchandisation de ces composantes des écosystèmes : les ressources en bois, en eau, en animaux, etc., deviennent les matières premières des marchés économiques installés dans les centres urbains. La concentration matérielle rejoint alors l’enrichissement économique, entraînant à son tour l’installation de centres de pouvoir dans les villes. Ces phénomènes de saisie, transformation et échange matériels et symboliques des environnements redéfinissent donc les arrière-pays des villes, selon la notion de “seconde nature”, sur des territoires s’étendant bien au-delà des limites administratives que leur fixent les institutions politiques.

Ces prélèvements sont la cause des concentrations de richesse et de pouvoir, mais en sens inverse, les autorités ainsi soutenues matériellement se déploient également sur les territoires dont elles dépendent. Les villes sont ainsi les lieux d’élaboration de nouvelles régulations des usages de la nature qui bouleversent les rapports entre humains et non-humains pré-existants, notamment ceux qui s’élaboraient dans le cadre des droits collectifs hérités ou des communs. Les moments de transition dans les activités d’exploitation, de conservation ou de restauration des écosystèmes nous intéressent particulièrement en ce qu’ils sont l’occasion de nouvelles formulations des rapports entre une société et ce qui l’entoure. Dans ces périodes, les représentations mentales du non-humain nous semblent spécialement intéressantes : bien que progressivement englouties par le naturalisme occidental, notamment ses discours scientifiques adossés à de nouvelles formes de mesure du physique, de multiples « compositions des mondes » ont longtemps coexisté. Nous aimerions donc en apprendre plus sur les usages et représentations de ladite « nature » qui changent, sont écartés ou apparaissent au cours de l’histoire et aujourd’hui, dans les contextes urbains ou non.

Enfin, les espaces urbains sont le théâtre privilégié de la politique : les projets d’organisation collective y sont souvent formulés, combattus et déployés en premier lieu. L’étude des discours politiques sur la place de la nature dans la ville et dans la société en général est un champ de recherches qui peut révéler des aspects nouveaux des idéologies. A l’inverse, l’ancrage matériel non-formulé des discours politiques est une autre entrée dans l’étude des équipements auxquels sont adossées les villes et les formes sociales au sens large. En partant des villes sans toutefois s’y limiter, cet axe voudrait donc rassembler des travaux décrivant les assemblages, matériels et immatériels, élaborés au cours de l’histoire et dans le présent par lesquels s’attachent les humains et les « environnements » qui les entourent.

3. Changements d’écologie : effets sur la conservation du patrimoine

Ce troisième axe s’intéressera à l’impact des transformations environnementales sur la conservation du patrimoine au sens large, qu’il s’agisse de sites naturels ou de biens culturels matériels et immatériels.

La convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et matériel adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 16 novembre 1972 apporte une définition du patrimoine naturel. Ce dernier serait constitué des formations géologiques ou de géographie physique et les zones définies qui constituent l’habitat d’espèces animales et végétales menacées, ainsi que les sites naturels présentant un intérêt sur le plan scientifique, dans le cadre de la conservation ou en termes de beauté naturelle7. Cette convention a pour vocation d’assurer l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures de ce patrimoine. Le rapport publié par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) le 2 décembre 2020 indique qu’un tiers des sites naturels du patrimoine mondial sont menacés par les changements climatiques. Dès lors, comment appliquer les principes de conservation et de transmission de ce patrimoine ? Quelles mesures peuvent être mises en place pour s’adapter à ces bouleversements ?

Ces changements globaux, qu’ils découlent d’évènements naturels ou de modifications volontaires, impactent également la conservation du patrimoine culturel. Ils entraînent notamment des migrations importantes de populations aux pratiques culturelles variées. Lors de ces déplacements, ces pratiques connaissent un changement d’écologie. Le milieu dans lequel elles s’étaient inscrites n’est plus ou a été transformé. Quelles conséquences ces phénomènes engendrent-ils d’un point de vue culturel ? Observe-t-on des adaptations, des disparitions ou des renouvellements concernant les techniques, les mises en oeuvre ou les acteurs de ces pratiques ? Ces bouleversements écologiques ont également des conséquences sur la conservation des monuments ou des sites patrimoniaux, notamment dans les zones fortement impactées par les changements climatiques. Les acteurs de la conservation de ce patrimoine sont variés : organismes gouvernementaux, professionnels de la conservation ou volontaires. De quelle manière modifient-ils leurs pratiques pour s’adapter à ces nouveaux écosystèmes ? Comment s’inscrivent-ils dans les interventions des services d’urgence ? En cas de déplacement des collections, quels impacts matériels et immatériels peuvent survenir suite au changement d’environnement ?

Les communications de cet axe porteront donc sur les effets des changements d’écologie sur les pratiques culturelles au sens large en abordant les notions de trajectoire, de modification, de transmission et de conservation. Elles pourront se baser sur une étude des pratiques dites « vivantes », se référer à des sites patrimoniaux ou naturels ainsi qu’à des collections muséales.

Modalités :
Cette journée d’études se veut pluridisciplinaire et ouverte à différents champs de recherche issus des sciences humaines et sociales (anthropologie, histoire, sociologie, histoire de l’art, musicologie, lettres, histoire sonore, droit, langues, etc).

Cet appel à communications est ouvert à tous les doctorants et jeunes docteurs ayant soutenu leur thèse ces dernières années, en France ou à l’étranger.

Les communications se feront en français ou en anglais. Les propositions de communication (env. 500 mots) sont à envoyer, accompagnées d’une courte présentation de l’auteur (comprenant le titre, la discipline de la thèse, l’année de soutenance le cas échéant ainsi que l’université ou l’organisme de rattachement, sa bibliographie) au plus tard le 17 février 2023 à l’adresse suivante : doctorants.chcsc@gmail.com
Informations complémentaires
Calendrier :
Retour des propositions au plus tard : le 17 février 2023
Réponses au plus tard le : le 17 mars 2023
Date de la journée d’études : le mercredi 17 mai 2023 au Campus de l’UVSQ, 47 boulevard Vauban, 78280 Guyancourt.

Organisation :
Comité scientifique : Anne-Claude Ambroise-Rendu, Delphine Carrangeot, Sylvie Dallet, Maaike van Der Lugt, Raphaël Devred, Steve Hagimont, Gilles Malandain.
Comité d’organisation : Ariane Cornerier, Nino Lima, Ariane Théveniaud