Aller au contenu

| | |

Vous êtes ici : CHCSCFRManifestations scientifiquesColloques

Festival d'histoire et d'analyse des médias : 'Les Médiatiques' 6ème édition

Cette année encore le CHCSC participe à l'organisation du festival : Les Médiatiques. Piloté par François Robinet (UVSQ /CHCSC) et co-organisé par la Région Centre Val de Loire, la Société pour l'histoire des médias et le Lycée Voltaire, cette 6ème édition proposera des projections-débats, des conférences, des ateliers pédagogiques autour du thème : Les médias, les émotions et les violences politiques : quels défis pour les sociétés contemporaines ?

du 8 février 2017 au 11 février 2017

Du 8 au 11 février 2017
Orléans
« Où donc est le danger ? Telle est la seule question qui vaille aujourd’hui, tant elle appelle une réponse qui risque de nous surprendre, de nous heurter, de nous déplaire. Car les grands périls sont en même temps ceux qui s’annoncent bruyamment par eux-mêmes et ceux, plus inaperçus, que l’on risque de précipiter en voulant les prévenir. »
Patrick Boucheron, « Ce que peut l’histoire », Leçon inaugurale au Collège de France, 17 décembre 2015.

Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, prononcée quelques jours après la série d’attentats qui a frappé Paris, Patrick Boucheron se demande ce que peut l’histoire aujourd’hui dans un contexte marqué par la tristesse, la douleur et la peur. Dans cette leçon introductive à son cours sur l’exercice du pouvoir en Europe occidentale du XIIIème au XVIème siècles, le médiéviste livre une vision de l’Histoire susceptible d’œuvrer à la réconciliation de l’érudition et de l’imagination. Il offre dans le même geste un texte magistral porteur d’une virtualité de possibles pour lutter contre les endoctrinements, les « idéologies de la séparation » et les « régressions identitaires ».
C’est dans le souffle de cette parole puissante, clairvoyante et combative que cette sixième édition du festival voudrait s’inscrire.

Le contexte le plus récent - celui qui a suivi les attentats de Nice et de Saint-Etienne du Rouvray - a en effet été marqué par l’approfondissement du processus de brutalisation du vocabulaire politique et médiatique, une brutalisation qui vise à désigner des ennemis et à inscrire le pays dans une logique de guerre. Exacerbée par les circulations médiatiques, cette violence des mots et des discours interroge l’historien sur la diversité des émotions - peur, haine, colère, ressentiment, abattement… - qu’elle peut charrier. 

Ainsi, c’est au prisme des émotions que cette édition se propose d’interroger les rapports entre les médias dans leur diversité – radio, télévision, presse écrite, internet - et la violence politique qui traverse aujourd’hui les sociétés contemporaines.
Dans quelle mesure est-il possible de caractériser et de mettre en relief ce qui semble être le franchissement d’un nouveau palier dans la violence des discours politiques et médiatiques ?
Quels sont les effets de ces discours dans les processus de replis identitaires, la montée des intégrismes et l’essor des violences contre les personnes ?
Les médias sont-ils des vecteurs de clivages et de tensions ou leurs productions œuvrent-elles au contraire à consolider les liens sociaux et à lutter contre les formes d’extrémisme ?
Ces questions délicates obligent à explorer cinq dimensions du sujet qui sont à la fois distinctes et étroitement liées.

Une première modalité d’approche envisage de revenir avec quelques mois de recul sur la couverture médiatique des attentats qui ont touché la France depuis 2012.
Quelle fut la nature de cette couverture ?
Dans quelle mesure les journalistes ont-ils favorisé une bonne compréhension des événements, de leur genèse et de leurs conséquences ?
De quelles émotions les représentations et les interprétations médiatiques ont-elles été porteuses ?

Un deuxième type d’approche vise à mettre historiquement en perspective cette série d’attentats à travers l’étude d’exemples aussi divers que les attentats anarchistes de la fin du XIXème siècle, la lutte menée par des groupes comme l’IRA (Irish Republican Army), l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna) ou la RAF (Rote Armee Fraktion) ou encore le combat menée par le gouvernement algérien des années 1990 contre le GIA (Groupe islamique armé). En dépit de différences majeures dans les stratégies, les revendications ou les idéologies, faire régner la peur et la terreur fut un des buts recherchés par ces différents mouvements.
Quelle a été l’évolution des stratégies médiatiques des groupes terroristes au cours de l’histoire ?
Quel(s) rôle(s) les médias des sociétés visées ont-ils joué dans la lutte contre le terrorisme ou au contraire dans la réussite des stratégies de terreur ?
Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette diversité d’expériences ?

Un troisième axe se doit de questionner les mutations récentes de la communication de groupes terroristes comme Daesh, Al-Qaïda ou Boko Haram dans un contexte de perfectionnement des outils numériques disponibles.
Quelles sont les stratégies de communication des groupes terroristes actuellement actifs et quels rapports entretiennent-ils avec les médias d’information générale ?
Quelle est la nature de leurs discours et quelle vision du monde cherchent-ils à imposer ?
Quels sont les canaux, les ressorts et les outils privilégiés de cette propagande ?

Si l’on a parfois avancé l’idée selon laquelle la France était une cible privilégiée du fait de ses valeurs ou du fait de la part importante de Musulmans au sein de la population française, il paraît utile de rappeler que le terrorisme international touche d’autres pays occidentaux (Etats-Unis, Belgique…) ainsi que de nombreux pays musulmans (Turquie, Irak, Nigeria, Pakistan, Afghanistan, Syrie,…). Ces derniers paient en effet un lourd tribu en nombre de victimes ce qui fait dire au philosophe Achille Mbembe que « L’expérience de dévastation due au terrorisme n’est pas une exception européenne » mais qu’elle est « une expérience partagée ».
Comment les médias belges, nigérians, israéliens ou irakiens couvrent-ils par exemple les actions terroristes commises sur leur sol ?
Parviennent-ils à ne pas nourrir la peur et la colère des populations et à déjouer le piège de la montée des antagonismes et de la cristallisation des identités ?
Comment les médias étrangers présentent-ils les attentats qui ont eu lieu en France ?

Enfin, « ce que peut l’histoire » est aussi largement dû au dialogue de celle-ci avec les autres sciences humaines et sociales. Il sera ainsi précieux de mobiliser les acquis de la sociologie, de la philosophie ou des sciences politiques pour comprendre en quoi l’articulation entre médias, émotions et violences permet d’éclairer la montée des intégrismes, l’essor de formes de séparatisme ou l’exacerbation de l’intolérance. Dans cette lutte que mènent les groupes terroristes, l’opinion publique constitue en effet un enjeu crucial.
Quelles formes de résistances les sociétés démocratiques peuvent-elles opposer ? Sur quels principes et sur quelles valeurs devons-nous nous appuyer afin de maintenir la cohésion sociale ?
Dans quelle mesure une démocratie peut-elle compter sur ses médias pour conduire la lutte et résister aux stratégies de la haine ?

Cette semaine de festival invite ainsi le spectateur, le citoyen, l’élève ou l’étudiant à une plongée collective sur une thématique complexe. Conférences, projections-débats, expositions permettront de mettre en perspective certains discours simplistes et crispés souvent sources de tensions, de fantasmes voire de haine de l'autre. Le dialogue avec des chercheurs ou des journalistes spécialistes des médias, du terrorisme, des intégrismes ou des mouvements extrémistes doit offrir un accès privilégié et serein à des discours permettant de concilier érudition et imagination et très certainement, pour reprendre les mots de Patrick Boucheron, de « conjurer la peur ».
Informations complémentaires
>Visiter le site du Festival "Les Médiatiques"

>Télécharger le programme [PDF - 1 Mo]
>Télécharger l'affiche [JPG - 185 Ko]
Contact :
François Robinet :