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Les représentations médiatiques de l'islam et des musulman.e.s

Colloque international et interdisciplinaire Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (France), CHCSC (19-20 juin 2018)

le 16 février 2018

Le colloque aura lieu les 19 et 20 juin 2018
Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines
Partout dans le monde, « islamophobie » et « race » sont deux termes âprement débattus dans le discours politique et médiatique (Hajjat & Mohammed, 2013; Massoumi et al., 2017; Sayyid & Vakil, 2009). En France, le débat public est tellement polarisé que les discours scientifiques et/ou antiracistes, loin d’être homogènes sur ces sujets, ont du mal à se faire entendre, et que ces termes peuvent faire l’objet de censures plus ou moins explicites. L’absence de statistiques officielles sur la diversité ethnique et religieuse en France (Simon, 2008), qui est censée protéger les minorités contre les risques de discrimination, a aussi pour effet malencontreux de rendre invisibles les inégalités sociales et culturelles qui néanmoins persistent. La difficulté d’objectiver le racisme en général s’articule avec celle de reconnaître l’islamophobie en particulier, en raison notamment d’une lutte de définition autour du concept de laïcité. Le début des années 2000 correspond à l’émergence d’une « nouvelle laïcité », ou néo-laïcité, qui s’oppose explicitement à la laïcité promue par la loi de 1905 (Baubérot, 2015). Ce conflit entre laïcité et néo-laïcité rend difficile la reconnaissance de la différence dans une société qui est de plus en plus multiculturelle (Modood & Webner, 1997; Lentin & Titley, 2011), et conduit à des tensions entre les valeurs toutes deux protégées par l’État que sont la liberté d’expression et la liberté religieuse (Alicino, 2015).

De même, dans la littérature universitaire francophone autant qu’anglophone, il n’existe pas de véritable consensus autour des définitions aussi bien de l’islamophobie que du racisme, qui, la plupart du temps, continuent à faire l’objet d’enquêtes séparées. A l’inverse de la rhétorique politique et médiatique, cependant, la recherche universitaire sur ces sujets, émanant d’un faisceau de disciplines diverses, a révélé qu’une discrimination systématique et structurelle est en réalité aussi répandue en France qu’elle l’est dans les autres pays occidentaux, les populations non-blanches étant frappées de manière disproportionnée par le chômage (Wacquant, 2009), l’incarcération (D. Fassin, 2011) et l’échec scolaire (Keaton, 2006), tandis que les ONG internationales (Amnesty International, Human Rights Watch) ont critiqué de manière répétée l’échec des gouvernements français successifs à enquêter sur les violences policières et sur les discriminations dont les minorités ethniques font l’objet. Prenant le contrepied de  la théorie du choc des civilisations et du discours qui insiste sur la nécessité pour les musulman.e.s de s’intégrer et d’adapter leur religion ou leur culture aux valeurs « républicaines » ou « occidentales », les études sur la vie quotidienne et les opinions personnelles des musulman.e.s en France ou dans d’autres pays européens posent la question de l’existence d’une contradiction entre les deux (Göle, 2015; Massoumi, 2015), tandis que d’autres mettent en garde contre la sacralisation de plus en plus forte de la laïcité en quasi religion civique (Roy, 2013) et contre la fausse dichotomie de l’anti-sexisme et de l’anti-racisme dans les débats comme celui sur « le voile » (Bouyahia et Sana, 2013; Delphy, 2008).

Des efforts de plus en plus importants ont été faits pour compléter les recherches sur les identités religieuses, culturelles ou politiques des musulman.e.s, en examinant de plus près l’islamophobie comme le résultat de pratiques politiques qui affectent au premier chef les musulman.e.s (Massoumi et al., 2017), et pour compléter les recherches quantitatives sur la diversité par des recherches qualitatives sur la perception de la discrimination (Dubet et al, 2013). Dépassant la question centrale de l’immigration et de l’intégration, et reconnaissant « l’exclusion interne » des non-migrants (Balibar, 2007), ainsi que le rôle de la religion comme site de politique culturelle plutôt que comme simplement un aspect non-politisé de la sphère privée (Fernando, 2014), certains chercheurs ont cherché à déplacer le débat du « problème musulman » vers le « problème républicain ». En d’autres termes, ils cherchent à mettre au jour les tensions et contradictions inhérentes à l’Etat laïc, aux valeurs républicaines et au « pouvoir laïc républicain » (Fernando, 2014; Titley et al, 2017), plutôt que celles des Français musulmans et des vêtements qu’ils portent ou des aliments qu’ils mangent. D’autres situent le concept d’islamophobie et la construction sociale du « problème musulman » dans l’histoire longue des migrations internationales et du racisme colonial (Bancel et al., 2015; Poinsot et Weber, 2014). Reconnaissant la complexité de la construction sociale de la notion de « race » et citant les glissements discursifs qui s’opèrent entre la figure du « musulman », de « l’Arabe » et d’autres termes, ainsi que les façons dont les musulman.e.s sont perçus de manière racialisée, certains chercheurs (D. Fassin & E. Fassin, 2006; Hajjat & Mohammed, 2013; Mazouz, 2017) ont exploré le phénomène du « racisme sans race », en utilisant le terme « racialisation » pour souligner le processus par lequel certaines identités sont construites socialement comme « autres » et catégorisées de manière hiérarchique (du Bois, 1994; Fanon, 1967; D. Fassin, 2011; Gilroy, 1987; Miles, 1989; Murji & Solomos, 2005), et ont mobilisé les approches développées par les chercheurs en cultural studies et media studies pour révéler les points d’intersection entre les notions de « race » et celles de genre et de classe (Anthias, 2012).

En France, on fait parfois référence à ces approches pour critiquer le rôle joué par les médias dans ce processus de racialisation (Cervulle, 2013; Hall et al., 1978; Petley & R. Richardson, 2011; Poole & J. Richardson, 2006; Rabah, 1998; Said, 1997; Tevanian, 2005; 2006). Mais, comme Hajjat et Mohammed (2013 : 116) l’ont montré, les analyses des modes de représentation, des discours et des contenus médiatiques (Berthault et al, 2009; Deltombe, 2005; Macé, 2009; Sian et al, 2013) doivent être complétés par des analyses sociologiques des conditions de production médiatique et des pratiques journalistiques, afin de comprendre la distance entre l’ethos des professionnels du journalisme et des élites, d’un côté, et celui des « classes populaires », de l’autre, ainsi que les discriminations subies par les personnes issues de minorités ethniques travaillant dans les médias, et les contraintes économiques et structurelles qui influencent la détermination des priorités médiatiques.

Ce colloque entend réunir des chercheurs français et internationaux, issus de différentes disciplines (la sociologie, les sciences de l’information et de la communication, l’histoire, le droit, les media studies, les cultural studies, etc.), ainsi que des professionnels des médias, pour affiner notre compréhension du rôle des médias dans la construction du « problème musulman » en France et ailleurs. Dans le cadre de ce colloque international et interdisciplinaire, nous accueillerons des communications qui mettent en avant les contributions que des perspectives internationales et interdisciplinaires peuvent apporter, et qui soulignent la diversité des sources, des traditions théoriques, des approches méthodologiques et des questions épistémologiques qui sont convoquées par des chercheurs travaillant sur des terrains différents, afin d’entamer un dialogue critique et réflexif sur l’efficacité et l’adéquation de termes comme l’islamophobie et d’approches qui ont jusqu’ici été privilégiées pour comprendre ces processus et ces pratiques. Dans cette perspective, les communications adoptant une approche comparative, qu’elles abordent les mêmes problématiques dans d’autres contextes nationaux ou des similitudes avec d’autres racismes et d’autres processus d’exclusion véhiculés par les médias, seront appréciées, ainsi que celles offrant des perspectives historiques sur leur évolution, et celles articulant des analyses de médias et une approche sociologique, ou encore celles proposant un dialogue avec la littérature interdisciplinaire et internationale. De façon générale, les communications sur les thèmes suivants seront particulièrement appréciées :

-    Les débats concernant les définitions de termes comme l’islamophobie, le racisme / la racialisation, la médiation / la médiatisation et la critique des médias
-    Les approches et traditions théoriques, méthodologiques et (inter)disciplinaires mobilisées pour réfléchir de manière critique aux médias et au racisme (les cultural studies, les media studies, les études postcoloniales, la critical race theory, les gender studies, l’intersectionnalité, la sociologie, l’histoire, le droit, les relations internationales, etc.)
-    Les analyses de discours ou de contenus médiatiques ; le droit, la politique et la régulation des médias ; ou les pratiques médiatiques et l’éthique journalistique.
-    Les paniques morales, les événements médiatiques, et les controverses au sujet du voile, du burkini, de la viande halal, des menus scolaires, des crèches de Noël dans les bâtiments publics, de Charlie Hebdo.
-    La diversité ethnique, les inégalités et la discrimination dans des sphères comme l’accès au logement, l’emploi, l’éducation, la justice.
-    Libéralisme, républicanisme, communautarisme, multiculturalisme, ou cosmopolitanisme
-    Sécularisme(s), laïcité, reconnaissance et différence.
-    Colonialisme, postcolonialisme, nationalisme, globalisation, terrorisme ou mémoire collective.
-    « Race », religion, religiosité, post-sécularisme, intersectionnalité et culture.
-    Citoyenneté, droits, inclusion et exclusion.
-    L’équilibre entre liberté d’expression et liberté religieuse ; liberté universitaire ; liberté de la presse.
-    Féminisme, genre, classe, intersectionnalité, et anti-sexisme et / ou anti-racisme.
Informations complémentaires
Les propositions de communications (de 3000 signes max. (soit 500 mots), avec bibliographie indicative et brève bio-biblio) sont à adresser à Simon Dawes : simon.dawes@uvsq.fr avant le vendredi 16 février 2018.
Le colloque sera bilingue et les propositions sont à envoyer en anglais ou en français.
Les décisions sur les propositions retenues seront confirmées avant le vendredi 16 mars 2018.

> Télécharger l'appel à communications [PDF - 202 Ko] en français
> Télécharger l'appel à communcations [PDF - 280 Ko] en anglais